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17.10.2014

Lettre ouverte de la Confédération Paysanne de Savoie à Mr. Stéphane Le Foll, Ministre de l’INDUSTRIALISATION de l’agriculture !

17.10.2014 -
Monsieur le Foll, nous ne vous servirons pas la tartiflette ! Présent, en Savoie, le Ministre de l’Agriculture a partagé le 16 octobre un repas avec des agriculteurs, a rencontré la FDSEA*, mais a refusé de rencontrer la Confédération Paysanne de Savoie. Il y a quelques jours il avait accepté d’organiser une réunion de travail avec l’un de ses conseillers. Ce matin, le Ministre a décidé de l’annuler, ne voulant pas rencontrer l’un de nos porte-paroles syndicalement actif contre l’usine des 1000 vaches, et de nous convier à un déjeuner bien consensuel ce vendredi en présence de ses amis de la FDSEA*. La Confédération Paysanne de Savoie ne se rendra pas à votre invitation à déjeuner. Nous protestons, par ce refus, contre ces pratiques indignes d’un Ministre. Ce n’est pas une invitation à déjeuner que nous souhaitions mais une rencontre de travail pour vous évoquer les nombreux problèmes rencontrés par les paysans savoyards et vous proposez des solutions. M. le Ministre, il n’y a pas que les produits agricoles de qualité à déguster ! Il y a surtout le sort des nombreux paysans qui les produisent !

Monsieur le Ministre,

Si nous avions pu vous rencontrer, nous vous aurions demandé que soit révisée l'application française de la PAC*. Sur ce sujet votre gouvernement s'est couché, une nouvelle fois et comme tant d'autres, devant les lobbies céréaliers et industriels. Ainsi, la redistribution des aides de la PAC* reste totalement injuste et favorise un système agro-industriel, comme le système breton que vous essayez désespérément de sauver, qui est pourtant à bout de souffle et cause de tant de drames (humains, économiques, sanitaires, environnementaux…). En effet, tous vos choix (convergence seulement partielle des droits à produire à l'horizon 2019 !, paiement du verdissement en fonction de la référence historique …) renforcent les injustices des aides payées en fonction de références historiques qui n'ont aucune justification et dont les grands perdants sont des territoires comme les nôtres. Toujours pas de plafonnement des aides mais des seuils qui éliminent les petits paysans !
Et pendant ce temps, les petits et moyens élevages sont négligés, l'agriculture de montagne est sacrifiée et les viticulteurs, arboriculteurs et maraîchers sont de nouveau écartés des aides.

Monsieur le Ministre, vous aviez la possibilité de laisser une trace sociale profonde dans le milieu agricole. Au final il ne reste qu'un énième plan libéral de destruction de l'agriculture paysanne pourtant seule garante du respect des paysan(ne)s, des consommateurs et de l'environnement. Et ce ne sera pas la faute de l'Europe mais la vôtre !

Si nous avions pu vous rencontrer, nous vous aurions parlé de la mise en place rapide d'un soutien spécifique aux petites fermes dans le cadre du deuxième pilier de la PAC*.

Si nous avions pu vous rencontrer, nous vous aurions parlé de votre soi-disant Loi d'Avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt (LAAF). Cette loi aurait pu marquer durablement l'agriculture, il n'en sera rien ! La question essentielle de cette loi d'orientation de l'agriculture aurait dû être : quelle agriculture avec combien de paysans pour répondre aux enjeux sociaux, économiques et environnementaux ? Mais par leur vote, les députés de votre majorité répondent que leur vision de l'agriculture de demain, pour l'Avenir est toujours celle passéiste de l'agro-industrie qui fragilise et élimine les paysans. Pour la Confédération paysanne, il fallait, il faut rompre avec ce dogme de la compétition internationale. L'agriculture doit être relocalisée, pourvoyeuse d'emploi, riche de sa diversité et de la qualité de ses produits ; elle doit redonner du sens au métier de paysan, être en phase avec l'environnement et moteur de la dynamique des territoires ruraux.

Si nous avions pu vous rencontrer, nous vous aurions parlé de la problématique du foncier qui est prégnante dans notre département de montagne et pour laquelle la Confédération paysanne a fait de nombreuses propositions pour la LAAF. Propositions que vous avez délibérément ignorées. Nous vous aurions également parlé de l'impact désastreux de ce grand projet inutile et imposé qu'est la ligne à grande vitesse Lyon-Turin qui va consommer entre 570 et 922 hectares de terres nourricières. La sanction pour le monde agricole est inadmissible dans le contexte actuel de pression foncière et de diminution du nombre d'exploitants agricoles. A l'heure des réductions budgétaires, il serait d'utilité publique d'arrêter l'inutile gouffre financier qu'est la LGV Lyon-Turin, et de conserver des emplois, des exploitations pérennes afin de garantir l'alimentation de tous.

Si nous avions pu vous rencontrer, nous vous aurions parlé du nouveau registre de l'agriculture, issu de la LAAF, qui sera géré par les chambres d'agriculture et risque également, sous pression de la FNSEA*, de devenir un filtre excluant les droits et les aides pour les installations progressives et les petites fermes. L'Etat et la FNSEA* ont contribué à la disparition de plus de 800 000 paysans en quelques dizaines d'années. M. le Ministre, avec votre complice, M. Beulin, président de la FNSEA*, vous pouvez et vous ferez encore mieux, soyons-en sûr ! Cette « pseudo professionnalisation »
révèle l'évolution d'un modèle agricole prôné par la FNSEA* et appliqué par le gouvernement. C'est ainsi que des usines de 1 000 vaches ou encore de 250 000 poules sont présentées, à tort, comme des modèles de compétitivité agricole.

Si nous avions pu vous rencontrer, nous vous aurions parlé de l'usine des 1000 vaches, qui représente le contraire de l'agriculture que vous prétendez défendre, mais contre laquelle vous vous dites impuissant. La Confédération paysanne, elle, ne compte pas se déclarer impuissante face à ce projet qui impactera directement le prix payé aux autres producteurs de lait, filière pourtant déjà en crise et aboutira inexorablement à l'arrêt de leur activité.

Si nous avions pu vous rencontrer, nous vous aurions parlé de la fin des quotas laitiers dans six mois et demandé d'agir rapidement. Les outils actuels de gestion des crises (prix d'intervention et stockage) seront alors inefficaces. On connaît les potentielles conséquences de la fin des quotas, il faut mettre en place des outils d'anticipation des crises, et ce au niveau européen ! La Confédération paysanne défend la mise en place d'un tunnel de prix, qui assurerait des prix rémunérateurs à la production. Par ailleurs, il faut prendre immédiatement des mesures pour éviter que la production laitière ne poursuive sa concentration. La répartition de la production sur le territoire est indispensable, tout comme les freins à l'agrandissement à outrance. Sans cela, nous ne verrons plus que quelques fermes-usines réparties sur un morceau de territoire. Il en va de l'emploi dans toute la filière, de la production à la transformation. Les pouvoirs publics ne peuvent pas se désengager de la politique laitière avec la fin des quotas laitiers.

Si nous avions pu vous rencontrer, nous vous aurions parlé du loup. Les éleveurs et bergers sont à bout. Les attaques ont lieu jour et nuit, en alpage comme sur les fermes, que les troupeaux soient gardés ou pas. La seule solution sera bientôt l'élevage hors-sol ! L'absence de réaction de votre ministère et de celui de l'Ecologie ne fait que favoriser l'industrialisation de l'élevage et la disparition des paysans. Nous réaffirmons que les loups doivent être retirés d'urgence de la convention de Berne et de la directive Habitat pour qu'enfin puisse être mise en place une régulation efficace.

Si nous avions pu vous rencontrer, nous vous aurions demandé de ne pas vider de sa substance le contrat vendange. Le 1er octobre dernier vous avez affirmé : « Le contrat-vendange continue », mais vous avez « oublié » d'affirmer que celui-ci allait perdre une grande partie de son intérêt. En effet, nous ne sommes pas dupe et nous avons eu le déplaisir de constater, à l'article 47 du projet de loi de finances, la suppression de l'exonération de cotisations salariales de sécurité sociale attachée aux contrats vendanges. Autrement dit, tout ce qui en fait l'intérêt, puisque cette disposition permettait de reverser un salaire net plus intéressant au vendangeur. En vidant le contrat vendange de sa substance vous allez encore contribuer à diminuer le nombre de vendangeurs et par conséquent augmenter le nombre de demandeurs d'emplois, inciter au travail non déclaré, et accroître le recours à la mécanisation !

Si nous avions pu vous rencontrer, nous vous aurions demandé d'étendre « le contrat vendange » à d'autres productions comme l'arboriculture, en mettant par exemple en place un « contrat cueillette » qui aurait également bénéficié de l'exonération de cotisations salariales de sécurité sociale.

En Savoie plus de 90 % de la transformation fromagère sont au lait cru, et 10 % de la transformation fromagère réalisée à la ferme. Nous voulions vous parler des propositions de la commission européenne (DG Sanco) sur la gestion des germes pathogènes Ecoli Stec. La DG Sanco s'apprête à publier des lignes directrices sur le suivi des Ecoli STEC qui signeront la mort de la production fromagère au lait cru. La DG SANCO veut publier son texte au plus vite, si nous avions pu vous rencontrer, nous vous aurions demandé de :
- Recommander à la Commission européenne d'adopter une approche scientifique cohérente au niveau communautaire afin notamment que la gestion des alertes dues à la présence des STEC dans les aliments soit harmonisée au sein des États membres ;
- Demander à la Commission européenne de réviser le projet de lignes directrices en mettant l'accent sur la recherche des sérogroupes pathogènes majeurs associée aux gènes de virulence ;
- Il est prématuré à ce stade (en l'absence de données scientifiques plus précises) d'adopter une définition concernant les STEC dans le milieu laitier aussi ouverte que celle proposée et demandent à la Commission de repousser son projet.

Si nous avions pu vous rencontrer, nous vous aurions parlé du procès, le 28 octobre prochain, de neuf militants de la Confédération paysanne suite à notre action de démontage de quelques pièces de la salle de traite de l'usine des 1000 vaches. Ce sont des lanceurs d'alerte qui sont poursuivis, pendant que l'agriculture s'industrialise aux dépends des paysans et des citoyens, avec votre bénédiction. L'Etat ne s'est pas montré aussi sévère pour les nombreux actes violents commis par la FNSEA*, favorable au développement de l'agro-industrie...

Monsieur Le Foll, si l'envie vous prend de sortir de table, de sortir de la quiétude des congrès mondains, ou de vos réguliers tête-à-tête avec M. Beulin, pour prendre le temps d'un échange direct avec des paysan(ne)s, la Confédération paysanne de Savoie vous recevrait, avec intérêt, afin de pouvoir échanger avec vous sur ces thèmes... et bien d'autres encore !

Pour la Confédération Paysanne de Savoie, Thierry BONNAMOUR et Denis NOVEL, co-porte-paroles

Contacts :
Denis NOVEL, Co porte-parole de la Confédération paysanne de Savoie : 06 30 40 48 41
Thierry BONNAMOUR, Co porte-parole de la Confédération paysanne de Savoie : 09 72 27 87 88

REPORTAGE VIDEO : http://www.tvnetcitoyenne.com/


Crédits photos : CPN
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